dimanche 28 avril 2013

Digression musicale (Non Homologué)


  Je suis un incorrigible rêveur. Et dans mon rêve de MSP où viendraient les gens ayant besoin d'aide, j'ai parfois tendance à vouloir dépasser le simple ordinaire, pour offrir ce que le marketing appelle "expérience client" (eh oui je m'intéresse aussi à l'économie: c'est mon défaut) qui soit la meilleure possible. J'imagine donc qu'il pourrait y avoir non seulement des soignants mais également des travailleurs sociaux, parce que si la santé est, comme le définit l'OMS, "un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité", l'accompagnement de ceux qui ont besoin d'aide pour trouver leur place dans la société fait pleinement partie à mon sens de la mission de l'équipe qui s'enorgueillira d'appartenir à une "Maison de Santé Pluridisciplinaire". Je dis ça parce que je viens de tomber sur un petit opus écrit par Martin Hirsch intitulé "50 droits contre l'exclusion", dont je me suis dit qu'il fallait absolument l'avoir dans la bibliothèque de la MSP à construire. J'ai fait le lien avec un article d'un journal belge qui expliquait que beaucoup de patients ont encore beaucoup de mal à comprendre ce que leur explique leur médecin, et aussi à se repérer dans le maquis du système de santé tel qu'il existe. Ce n'est pas tellement différent en France.
  Et puisque j'y étais, je me suis remémoré ce que je me suis promis de faire mais pas encore eu le temps de faire: un inventaire des musiques que j'aimerais proposer comme ambiance de fond dans la salle d'attente de la MSP de mes rêves. Pourquoi faire un tel inventaire ? Peut-être parce que je suis un obsessionnel qui tente à chaque fois qu'il le peut de faire les choses pour une bonne raison, et une fois les bonnes raisons identifiées d'y apporter les meilleures réponses possibles. Je crois au pouvoir de la musique de nous toucher au plus profond de nous, de véhiculer des messages d'espoir et de réconfort. L'idée m'est venu en écoutant dans ma voiture la chanson "Bienvenue chez moi" de Florent Pagny. Les paroles disaient notamment:
"A toi qui marches longtemps quand la pluie fait rage
  ...qui essaies de rester fier quand tes chaussures s'écaillent...
  Toi qui changes tant d'adresses...
  Tu seras bienvenu chez moi
  ...Si tu n'abandonnes pas, tu vaux plus que ce que tu crois
  ...Ici tu peux crier tes désirs, ici tu peux pleurer sans rougir
  ...Ici tu peux parler sans mentir."
  Je crois d'ailleurs que c'est à ce moment que j'ai cristallisé ce rêve de MSP.
  Pour faire appel à votre culture musicale qui est sûrement plus vaste que la mienne, je vous livre ci-après un début de liste, que je vous invite à compléter:
- Chanter (F Pagny)
- la chanson des Restos du Coeur (JJ Goldman & Coluche)
- Envole-moi (JJ Goldman)
- C'est ta chance (JJ Goldman)
- Famille (JJ Goldman)
- Je te donne (JJ Goldman)
- Donne-moi une vie (Y Noah)
- Rue de la Paix (Zazie)
- Mistral Gagnant (Renaud)
- Prends ton courage (P Bachelet)
- La chanson du Bon Dieu (P Bachelet)
- Souvenez-vous (P Bachelet)
- Juste une illusion (JL Aubert)
- Foule Sentimentale (A Souchon)
- Vivre pour le meilleur (version G Lemarchal)

  Comme vous pouvez le remarquer, je suis un fan de JJ Goldman, d'où la référence en forme de clin d'oeil dans le titre de ce billet. C'est une formule qui me semble de circonstance également parce que je pense qu'il nous appartient de faire les choses sans trop attendre de nos autorités de tutelle, de prendre les "chemins de traverse", en quelque sorte ;-)

vendredi 26 avril 2013

Changer de paradigme (1): rémunération des médecins



  Notre première défaite, c'est d'accepter de penser selon les critères d'une instance que nous n'approuvons pas. Telle fut ma réaction spontanée à ce billet d'une consoeur, qui blogue sous le pseudonyme d'Armance, et dont j'apprécie beaucoup les écrits. Car je ne crois pas déformer la vérité en disant que la majorité des médecins considèrent l'Assurance-Maladie comme un carcan administratif qui entrave non seulement la qualité de leurs conditions d'exercice, mais pis encore également la qualité de la prise en charge qu'ils proposent à leurs patients. C'est pourquoi j'ai souhaité réagir à la manière dont nous avons encore tendance à réfléchir pour évaluer la valeur de notre travail dans nos négociations salariales.
  Tout d'abord, sans préjuger du caractère approprié ou non du montant final de la base salariale horaire retenu, je dirais que nous ne sommes en rien obligés de nous référer ni à la durée standard de quinze minutes pour une consultation, ni a fortiori à la "valeur" que la CPAM attribue à une de nos consultations: 23 €. Cela dit, je dois reconnaître que moi-même je m'y suis laissé prendre: sollicité pour faire une présentation didactique sur ce qu'est l'épilepsie à un public composé de salariés d'un établissement d'accueil pour jeunes autistes, je n'ai pas cherché plus loin pour la facturation de la prestation que la formule H = (durée totale dépensée pour la prestation) x 4C /h.
  Concernant la durée moyenne de la consultation, je ne pense pas me tromper beaucoup en disant qu'elle est sujette à des variations notables, en fonction du type de territoire où exerce le médecin, du type de patientèle dont il s'occupe, et de la façon dont il conduit ses consultations. S'il est vrai que la moyenne des durées moyennes de consultation en France est de quatorze minutes selon une étude que j'ai lue, j'ai également pu lire qu'elle est de onze minutes en Angleterre, et de sept minutes aux Etats-Unis. Il y a de toute façon quelque chose qui me turlupine dans le raisonnement qui consiste à demander un montant d'honoraires par heure égal au montant d'honoraires reçus si le médecin avait donné des consultations à son cabinet pendant cette heure: cela voudrait-il dire qu'un médecin qui enchaîne des consultations toutes les dix minutes est fondé à demander deux fois plus que celui qui consacre en moyenne vingt minutes à chacune de ses consultations ? J'ai du mal à répondre par l'affirmative à cette question.
  Par ailleurs, je pense que nous devrions prendre l'habitude de considérer que l'acte que nous effectuons, s'il est digne de s'appeler "consultation médicale", vaut davantage que les 23 € que la CPAM nous impose de coter. A titre d'exemple, je peux citer une des recommandations du Rapport rendu par Elisabeth Hubert sur le sujet de "La Médecine de Proximité", qui évalue le montant à percevoir entre 12 et 70 euros en fonction de la complexité de l'acte accompli. Je pourrais citer également les montants d'honoraires de consultation de nos confrères dans les pays au niveau de vie comparable au nôtre, qui vont du double au triple des 23 € en France, voire davantage. Mon propos n'est pas d'appeler à doubler ou tripler le C=CS sans rien changer aux pratiques actuelles, il est plutôt de pointer de l'absurdité d'une cotation fixe qui aboutit au fait qu'un médecin qui consacre deux fois moins de temps à chaque patient sera deux fois mieux rémunéré que son confrère, alors qu'il ne me semble pas qu'on puisse juger de la qualité d'un médecin en se basant sur la brièveté de sa consultation.
  On peut arguer que 23 € est un montant qui représente la moyenne pondérée des différentes valeurs des actes que réalise un médecin dans sa semaine de consultations: encore faudrait-il justifier du calcul qui a permis d'aboutir à ce résultat. Par ailleurs, rester dans cette logique tend à favoriser la préférence pour les actes simples, ce qui entraîne plusieurs inconvénients.
  Le premier, c'est que certains médecins ne pourront résister à la tentation (le diplôme de médecin n'ayant pas pour propriété de conférer automatiquement à son détenteur une intégrité irréprochable en toutes circonstances) d'imposer aux patients quelques consultations simples supplémentaires, histoire de "soutenir" le montant de leurs recettes. Je pense pour ma part que ce n'est pas une simple vue de l'esprit, et pourrait expliquer en partie l'estimation à 28% la proportion de consultation considérées "inutiles" par les patients interrogés. C'est une dérive pernicieuse à plusieurs égards. D'abord, même rapide, une consultation simple occupe un volume de temps du médecin, qui aurait gagné à être employé plus utilement. Ensuite, c'est une perte de temps supplémentaire infligée au patient qui voit sa productivité amputée sans réel bénéfice, ni pour lui, ni pour la collectivité. Pis encore, on risque de voir émerger une certaine suspicion de la part du patient envers son médecin, altérant significativement et durablement la relation médecin-patient. Cela induit un vrai coût pour la collectivité, parce qu'un patient peu confiant sera plus enclin à demander plusieurs avis médicaux pour un même motif, voire à céder au nomadisme médical, ou au contraire s'abstiendra de consulter à un stade où sa maladie peut être soignée à moindres coûts jusqu'au moment où la prise en charge deviendra très lourde car sa maladie en sera à un stade avancé. Plus subtilement encore, un patient méfiant réclamera davantage d'examens complémentaires, sera plus long a convaincre donc génère davantage de perte de temps médical, sera plus difficile à convaincre donc le médecin risque de préférer la simple prescription rapide aux explications chronophages: tout ça finit aussi par augmenter la facture pour l'Assurance-Maladie sans aucune valeur ajoutée médicale.
  Le deuxième inconvénient, c'est qu'un médecin moyen, qui veut bien faire son travail, a besoin d'une certaines proportion d'actes simples cotés 23 €, pour compenser les actes complexes qu'il effectue à côté et qui restent cotés 23 € aussi: c'est le principe du calcul d'un montant moyen forfaitaire. Or, si les autorités de tutelle commencent à vouloir étendre à ces actes simples le champ de compétence des paramédicaux (ce qui à mes yeux est une bonne chose en soi dans l'absolu), comme c'est le cas actuellement, sans rien changer au montant forfaitaire, cela revient à fausser le calcul puisque la proportion d'actes complexes dans une semaine d'un médecin va augmenter, rendant son travail plus éprouvant sans aucune revalorisation parallèle de ses honoraires. Au-delà d'une certaine proportion d'actes complexes, ou en-dessous d'un certain nombre d'actes simples, le médecin -qui n'est pas systématiquement un sacerdote vouant sa vie au sacrifice de soi pour le bien d'autrui- risque de faire l'arbitrage et préférer un poste salarié bien plus confortable sur la durée. A ce rythme, on n'est pas près de voir diminuer la pénurie de médecins installés en libéral.
  Le troisième inconvénient, c'est l'apparition de comportements opportunistes, de médecins cherchant à se concentrer surtout sur les actes simples rapides à enchaîner, ce qui augmente mécaniquement le total des recettes horaires, au détriment des prises en charge complexes et lourdes -pour le même montant d'honoraires de 23 €- qui vont aller peser encore plus sur les médecins consciencieux et les pousser un peu plus vers le burn-out, ou pire encore échouer aux urgences hospitalières faute d'avoir eu accès à des soins de ville adéquats.
  Pour toutes ces raisons, je considère comme franchement inapproprié ce mode de rémunération actuellement imposé aux médecins conventionnés, et j'encourage tous mes confrères à réfléchir à une nouvelle conception de notre rémunération, laquelle pourrait par exemple être expérimentée au sein de Maisons de Santé Pluridisciplinaire dont je suis un des partisans, sous réserve que sa création se déroule dans un processus de concertation et de coopération étroite entre usagers, soignants, et éventuellement les instances publiques. J'ai bien ma petite idée de ce que pourrait être un nouveau modèle de rémunération, que vous exposerai dans un billet ultérieur.

mercredi 24 avril 2013

Des déserts bien peuplés


  Il y a quelques mois de cela, le web bruissait d’une initiative de 24 médecins blogueurs sur le sujet de la désaffection des jeunes médecins pour l'exercice libéral de la médecine générale, surtout dans les secteurs déjà faiblement dotés en offre de soins médicaux. Le terme consacré pour désigner ces secteurs étant “déserts médicaux”, l’opération portait sur Twitter le hashtag #PrivésDeDésert, et le manifeste listant les propositions des 24 s'intitulait "MG 2.0". Etant lecteur assidu du blog de Jaddo, l'une des 24, j'ai suivi avec grand intérêt les retombées de cette initiative dont le contenu correspond pour beaucoup aux quelques idées que je pouvais nourrir de mon côté concernant cette problématique.
  Lorsque Mme la Ministre Marisol Touraine a reçu 18 des 24 médecins blogueurs en entretien, je me souviens m'être dit: pourvu que ce ne soit pas juste une manoeuvre de communication. Il faut dire que nous, médecins sur le terrain, n'avons pas vraiment l'habitude d'être consultés et encore moins écoutés par nos autorités de tutelle, qui ont à leur disposition des experts bien plus intelligents et bien mieux informés: il suffit de se rappeler la manière dont a été gérée l'épidémie de grippe H1N1 par l'illustre Roselyne Bachelot en son temps. Huit mois plus tard, rien de concret ne semble se profiler qui soit la suite logique des propositions listées dans le manifeste "MG 2.0".
  En attendant, le désert continue de progresser: Borée, un des 24 médecins blogueurs, a publié sur son blog un billet annonçant son prochain départ du cabinet où il exerçait depuis environ huit ans. Peu après, GenouDesAlpages, un autre des 24, rédige un billet où transparaît un ras-le-bol qui fait craindre le burn-out et où il conclut qu'il ne veut plus désormais exercer dans les conditions qui ont été les siennes jusqu'ici. Et aujourd'hui, Fluorette, elle aussi une des 24, lance à la cantonade sur Twitter: "Avez-vous des pistes pour aller exercer en Suède ? Ou en Norvège ? Ou en Angleterre ?".
  A propos de ces "déserts médicaux", on entend souvent le commentaire qui consiste à relever, non sans justesse, qu'il s'agit de déserts tout court, avec un nombre d'habitants insuffisant pour constituer une patientèle d'un médecin exerçant à temps complet, et dépourvu d'infrastructure & commodités de vie quotidienne pour la famille du médecin qui voudrait s'y installer. Mais il existe aussi des bassins de population où la densité n'est pas sibérienne, qui comportent toute l'infrastructure qu'une famille normale peut souhaiter, dans lesquels la pénurie d'offre de soins est pourtant réelle, et en passe de s'aggraver dans les années à venir. Je suis persuadé que, dans ce cas de figure, l'implantation d'une Maison de Santé Pluridisciplinaire représente une bonne solution pour inciter à s'y installer des confrères (et consoeurs) ainsi que collègues paramédicaux qui sont à la recherche d'un mode d'exercice plus cohérent avec leurs attentes.
  Alors bien sûr les MSP sont à la mode, et le risque pour moi est de réinventer l'eau tiède. Pourtant, quand je me documente un peu sur le sujet, il est régulièrement fait état de telle ou telle MSP construite par la collectivité locale et qui reste vide, ou insuffisamment occupée par les professionnels de santé qu'on espérait y faire venir. Il reste donc à mon sens une possibilité que le "mode d'emploi" optimal ne soit pas encore trouvé, et c'est cette marge d'amélioration que je voudrais explorer par l'intermédiaire de mon blog, avec l’aide de tous ceux qui voudront bien apporter leurs remarques.

lundi 15 avril 2013

Renaissance

  L'aventure du blogging a commencé pour moi il y a pas mal d'années déjà, précisément un 17/12/04 avec un billet sous le titre "Vente aux enchères de Ioukos". Puis l'intérêt s'est rapidement émoussé pour moi car dans l'océan de blogs qui enfle chaque jour davantage sur le Net, le mien restait complètement ignoré et ne recevait aucun commentaire. Le dernier billet que j'avais rédigé et posté datait du 20/12/07 sous le titre "Papa, à quoi ça sert d'apprendre le Français ?" étant tombé lui aussi dans le néant du foisonnement infini de la blogosphère, je n'y suis plus retourné.
  Jusqu'à dernièrement, où, ayant découvert le blog de Jaddo grâce à un email du Dr D. Dupagne sur une liste de diffusion MGList, je me suis retrouvé à nouveau plongé dans cette communauté bien particulière qu'on pourrait qualifier de réseau social des médecins. Plongé n'est d'ailleurs pas le terme approprié: il faudrait plutôt dire "effleuré" dans mon cas car je n'en suis pour l'instant qu'un observateur à la marge. Et pourtant il y a bien des choses dans lesquelles je me retrouve en lisant les différentes productions écrites de leurs membres: alors j'ai commencé à répondre ici et là en commentaire aux billets, ou par tweets interposés. Parfois je me sens frustré de ne pas pouvoir en dire davantage car le sujet me semble appeler davantage de discussion, de réflexion que ne pourrait en contenir un tweet ou un commentaire de blog.
  C'est ainsi que l'envie de rédiger un blog bien à moi m'a repris. Je ne voulais cependant pas reprendre l'ancien car il porte un nom qui me semble à présent bien pompeux pour une production écrite qui doit être bien modeste. Or il ne semble pas possible de changer de nom de blog. J'ai donc décidé de créer un nouveau blog, et de lui donner un nom plus conforme à ce que je voudrais que soit ma manifestation au monde: humble, et originale.
  Après avoir réfléchi des jours, et tâtonné pas mal, je crois être tombé sur une trouvaille plutôt sympathique: mon blog s'appellera "Chemins de traverse". Pour plein de raisons. Il y a des raisons qui existaient a priori, et qui ont fait que mon choix s'est arrêté sur ce nom. Puis il y a des raisons a posteriori mais qui sont également dans le même esprit que celui qui est le mien lorsque j'ai fait ce choix. Puis il y aura peut-être même d'autres raisons encore qui surgiront avec le temps sans que j'y aie pensé maintenant. C'est aussi ce que j'aime et que je voudrais offrir le plus souvent possible: des points de départ, des noeuds d'où peuvent partir tout plein de liens vers d'autres choses. Entre autres, c'est un peu pour cette raison que je me désigne comme un apprenti nexialiste (mais ceci est une autre histoire ;-) ).